Un article de rue 89 (suivre le lien) publie initialement sur Paroles de Juge (suivre le lien)
Celui qui fait du bruit n'a pas forcément raison. Celui qui reste silencieux n'a pas forcément
tort.
Ces jours-ci, du haut d'une grue, un homme a voulu alerter sur la
situation des pères qui, après divorce,
seraient trop souvent selon lui privés de leurs enfants. Les médias
se sont vite mobilisés, mais, comme malheureusement trop souvent, il a
plus été question de la hauteur de la grue que de la
réalité de la problématique, autrement dit de la forme plus que du
fond.
Nous avons déjà indiqué sur ce blog (lire ici)
comment certains pères sont pris au piège après des dénonciations
maternelles non fondées mais qui ont le temps de faire des ravages.
Toutefois cela ne justifie pas les affirmations hasardeuses et
notamment de prétendre que dans une très grande majorité des dossiers,
si ce n'est systématiquement, les juges favorisent les mères
au détriment des pères.
Un juge aux affaires familiales, chagriné par la grue, a plongé dans
ses placards et effectué un
inventaire de tous ses dossiers. Les chiffres transmis sont
particulièrement intéressants sur les décisions prises. Et même si
l'analyse d'un cabinet de JAF n'a évidemment pas valeur de
statistique nationale, il est peu probable que les situations soient
très différentes d'un tribunal à l'autre.
Voici donc les constats effectués par ce JAF en février 2013 :
- S'agissant des dossiers de divorce, et pour ce qui concerne la résidence des enfants, dans environ 50 %
des affaires le divorce est un "consentement mutuel", ce qui signifie que ce sont les deux parents qui, eux mêmes et ensemblent, décident chez qui leur enfant va vivre. Il n'y a donc
aucun conflit sur ce point et aucun des deux ne peut prétendre être désavantagé par rapport à l'autre.
- Dans les autres divorces, qualifiés de "contentieux" (les 50 autres
%), le désaccord porte
principalement sur la raison d'être du divorce et éventuellement ses
conséquences matérielles et financières. En effet, même dans ces
dossiers hors consentement mutuel, les parents sont d'accord
sur le lieu de résidence de leur enfant dans environ 87 % des cas,
étant relevé que majoritairement l'accord entre eux deux aboutit à une
résidence au domicile de la mère. Il n'y a donc
un véritable conflit entre les deux parents à propos du lieu de vie de l'enfant que dans 6,5 % des divorces.
- Dans les dossiers dit "hors divorce", c'est à dire quand le JAF est uniquement saisi pour statuer à
propos des enfants, dans 18 % des cas la résidence est fixée chez le parent qui le demande en l'absence de l'autre parent qui est défaillant.
- Dans ces mêmes dossiers hors divorce, dans un peu plus de 59 % des cas les deux parents sont
d'accord sur la résidence des enfants, majoritairement au domicile de la mère. Cela signifie que les réels conflits entre père et mère autour du lieu de vie de l'enfant
n'apparaissent que dans environ 22 % des dossiers.
- Dans ces 22 % de dossiers conflictuels, la résidence des enfants a été fixée dans 47 % des cas chez la
mère, dans 26,5 % des cas chez le père, et dans 26,5 % des cas en alternance chez les deux parents.
- Enfin l'analyse des dossiers montre que quand les droits de rencontre
d'un parent ont été réduits,
c'est à chaque fois pour des difficultés liées à son comportement
(violence, alcool, stupéfiants, agressions sexuelles..) ou à cause d'une
absence de logement adapté.
Cela permet de penser que prétendre comme cela a été entendu que dans une très grande
majorité de dossiers les pères sont lésés est probablement un peu hâtif.
Il faut également rappeler que depuis de nombreuses années, en cas de séparation des parents, par principe tous deux restent ensemble titulaires de l'autorité parentale.
Cela a
pour conséquence concrète que malgré la séparation et la fixation de
la résidence des enfants au domicile de l'un d'eux, l'autre parent chez
qui ils ne résident pas en permanence doit
obligatoirement être associé à toutes les décisions importantes les
concernant, et plus largement être informé de leur évolution. Les cas
d'autorité parentale confiée à un seul parent sont
devenus rares car la loi impose qu'une telle situation soit
exceptionnelle
Par
ailleurs, il est également écrit dans la loi que
"L'exercice du droit de visite et d'hébergement ne peut être refusé à
l'autre parent que pour des motifs graves". Là encore, la loi en
vigueur interdit de réduire les droits de rencontre d'un
parent tant qu'il n'est pas démontré que ces rencontres sont
réellement nocives pour l'enfant.
Ce qui n'empêche pas d'être convaincu que pour le parent qui n'a
pas la possibilité d'avoir son enfant auprès de lui aussi souvent qu'il
le souhaiterait, la douleur peut être grande.
Mais tant qu'il sera impossible de couper les enfants en deux....