Parole de l'enfant et enquête sociale

Pelly de MONTVALON, Enquêtrice sociale à l’Assoedy

La parole de l’enfant dont il va s’agir est celle recueillie au civil dans nos enquêtes ou expertises psychologiques, reflet de l’aménagement de la vie de l’enfant dans un moment de rupture qui est la séparation de ses parents.

Mises en conditions, rencontres
Nos interventions se font aux domiciles de l’enfant où après avoir observé son fonctionnement dans la famille, nous nous isolons avec lui, hors d’écoute des adultes. J’insiste sur les conditions de ces rencontres qui gardent un caractère beaucoup plus intime que celles qui ont lieu dans les cabinets du juge ou de l’avocat. L’enfant rassuré par son cadre de vie se laisse aller à parler assez librement
Nous lui expliquons d’abord le but de notre présence, mise en mots d’une situation qu’il peut avoir entendue par un de ses parents, ou par les deux, mais dont il peut tout aussi bien ne pas avoir entendu parler. Et ce quelque soit son âge, parce que même un très jeune enfant comprend que quelque chose ne va plus entre papa et maman et a besoin de mots explicatifs lui permettant de comprendre et de se rassurer.
A lui de s’exprimer sur la situation qu’il vit entre ses deux parents : depuis la séparation, il vit chez qui ?
Il voit l’autre comment ? Cela lui convient-il ? Si non comment pourrait-on aménager différemment ?
Nous ajoutons que nous sommes son porte-parole c'est-à-dire que nous reporterons ses propos au juge dans un rapport qui sera lu par ses deux parents. Si nous le voyons hésiter, nous essayons de voir avec lui ce qui l’inquiète - peur de réactions violentes, peur de faire de la peine, refus de s’engager - tout en cherchant à lui faire comprendre qu’on ne peut rien faire de ses non dits.
Ensuite l’entretien diffère selon l’âge des enfants :

Audition de l'enfant : analyse d'un magistrat

Sophie BRAIVE, Vice-présidente aux Affaires Familiales,
Tribunal de Grande Instance de Versailles
Toute l’éducation ancienne procédait d’une pratique qui demandait à l’enfant d’être sage et de se taire.
Dans la conception moderne de l’enfant, ce dernier est invité à donner son point de vue dans les relations familiales, mais également dans la justice.
Pour traiter de la parole de l’enfant je retiendrai la définition de la Convention Internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989 : “tout être humain âgé de mois de 18 ans”.
L’expression de ses sentiments par l’enfant est prévue dans plusieurs domaines de notre droit et notamment :
- art 311-23 du code civil : en cas de changement de nom en cas d’établissement du second lien de filiation et durant la minorité de l’enfant, le consentement personnel de l’enfant est nécessaire s’il a plus de 13 ans,
- art 345 du code civil : en cas d’adoption plénière le consentement personnel de l’enfant est nécessaire s’il a plus de 13 ans,
- article 375-1 du code civil et art 1183 du NCPC. : En cas d’assistance éducative, l’audition par le juge des enfants est de principe si le mineur est capable de discernement,
- en cas de procédure de divorce entre époux de nationalités différentes la demande d’audition du mineur doit être impérativement formée.
Limitation de mon intervention à l’audition de l’enfant dans le cadre des modalités d’exercice de l’autorité parentale étant juge aux affaires familiales et non juge des enfants, une intervention étant en outre prévue cet après midi.

La parole de l’enfant devant le Juge aux Affaires Familiales

La parole de l’enfant devant le Juge aux Affaires Familiales « vue » par l’avocat d’enfant.

Marie-Laure HOUDAILLE, Avocat d’enfant au Barreau de Versailles


J’espère que vous n’arrivez pas aujourd’hui pour avoir des réponses : depuis que j’exerce, cela fait un peu plus de 15 ans en tant qu’avocat d’enfant, plus j’avance et plus j’ai de questions.
A Versailles, un groupe d’avocats d’enfants à titre expérimental a été institué depuis 20 ans; Une Charte nationale des avocats d’enfant est en cours d’élaboration.
Nous avons un échange mensuel sur nos dossiers et autres questions rencontrées dans notre activité d’avocats d’enfants.
Il y a un vadémécum des avocats d’enfants à Versailles, pour tenter une homogénéisation des pratiques, mais il y a à peu près autant de conceptions que d’avocats.
Les avocats d’enfants ont signé une convention avec l’ordre des avocats. Notre indépendance est autant que possible protégée par notre désignation par le bâtonnier, c'est-à-dire qu’on ne dépend ni financièrement ni d’autre manière des parents.

Les rendez-vous au Cabinet de l’Avocat d’enfant
Quelques mots notamment sur les rendez-vous à notre cabinet, puisqu’en effet nous avons le côté secret possible et c’est même la première vocation des rendez-vous à notre cabinet à savoir que nous pouvons dire à l’enfant : « ce que tu me dis ici reste en principe secret, sauf ce que tu m’autoriseras à en dire ».

L’audition de l’enfant : réelle avancée ou risque d’instrumentalisation ?


Par Nolwen LEROUX
Avocate au barreau de Paris

Après plusieurs années de mise en application, la question se pose…
C’est la Convention internationale relative aux droits de l’enfant du 20 novembre
1989 dont nous venons de fêter le 20ème anniversaire, qui a la première consacrée le droit à la parole pour l’enfant au niveau international.
En France, il faudra attendre la loi du 8 janvier 1993 pour que le droit positif donne une réelle place à l’audition de l’enfant. L’article 388-1 du Code civil prévoit alors la possibilité pour le mineur capable de discernement d’être entendu dans toutes les procédures le concernant, le Juge disposant toutefois de la possibilité d’écarter la demande d’audition par une décision spécialement motivée.
La loi du 4 mars 2007 a modifié l’article 388-1 du Code civil en prévoyant que « l’audition est de droit quand le mineur en fait la demande ».
Pendant deux ans, en l’absence du décret d’application, il existait une grande disparité entre les juridictions, chaque Tribunal, voire chaque Juge ayant sa propre manière de faire : audition directe du mineur par le Juge, désignation systématique d’un tiers pour l’audition (psychologue, enquêteur social, etc…), établissement d’un compte rendu d’audition plus ou moins complet selon les souhaits de l’enfant, etc…