Irène Théry : “Le problème, c'est ce fameux modèle : un seul père, une seule mère”

Loin d'être en crise, la famille est “remarquablement vivante”, estime la sociologue Irène Théry. Elle a juste élargi ses frontières traditionnelles, avec des formes de filiation et de parentalité qui se multiplient.

Propos recueillis par Juliette Cerf. Télérama n° 3232 Le 22 décembre 2011

Décomposée ou recomposée, la famille contemporaine ? Défaite ou alerte ? Elle était jadis un noyau unifié autour d'un seul couple, bien enraciné dans la terre de la différence des sexes. Elle est devenue, en quelques décennies, une hydre aux multiples tentacules, frayant à travers les remous de la haute mer. Un animal fabuleux ! Et angoissant, à ses heures... Séparations, adoptions, procréations médicalement assistées, etc., elle va de migration en mutation, de l'affirmation de sa farouche liberté à l'invention de ses nouvelles valeurs. Ainsi vogue la famille, entre lac de la vie privée et océan de la société.
Nous vivons un moment passionnant ; à l'heure des recompositions familiales, la parenté n'a jamais été aussi sociale, affective, mais, en même temps, la biologie n'a jamais été autant sollicitée pour engendrer. Sexualité, procréation et parenté ne sont plus liées comme avant. Que se passe-t-il, maintenant que l'on peut faire des enfants à trois ? Familles homoparentales, monoparentales, donneurs, parents adoptifs : nous avons demandé à la sociologue Irène Théry de tracer la carte de ces pluriparentalités. Cette spécialiste de la famille, directrice d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), ouvre des perspectives pour l'avenir, en n'ayant pas peur de mettre l'accent sur certaines résistances de la société française face aux nouveaux visages de la filiation.
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Audition d'enfants : la mise en oeuvre de l'obligation d'informer l'enfant de ses droits

Le législateur a véritablement innové en instaurant une obligation d'informer l'enfant de ses droits, qui non seulement n'existait pas auparavant, mais qui de surcroît ne semble pas avoir été envisagée dans la convention des nations unies du 20 novembre 1989.
En revanche, la convention européenne du 25 janvier 1996 prévoit dans son article 6-b, que l'autorité judiciaire doit "s'assurer que l'enfant a reçu une information pertinente"
La convention entend par "information pertinente" (art 2-d) : "les informations appropriées, eu égard à l'âge et au discernement de l'enfant, qui lui seront fournies afin de lui permettre d'exercer pleinement ses droits, à moins que la communication de telles informations ne nuise à son bien-être."
De manière constante, l'information ne soit être donnée qu'à l'enfant capable de "discernement".
La convention européenne précise que l'enfant doit être "considéré par le droit interne comme ayant un discernement suffisant" (art. 6-b), ce qui semble renvoyer à une définition légale en droit interne du discernement de l'enfant.
Le législateur français s'est toutefois bien gardé de fournir des critères d'appréciation de degré de discernement manifesté par un enfant.

Rapport de la commission de réflexion sur l'expertise

Michelle ALLIOT-MARIE ex-ministre de la Justice avait sollicité un travail de réflexion sur l'expertise judiciaire en Mai 2010. La motivation principale de cette demande est contenue dans le principe de la modernisation du service de la Justice, notamment dans on accès et dans la réduction de ses délais.
Les collaborateurs occasionnels de la Justice que sont les experts étant au cœur de ces problématiques, il est apparu indispensable au Garde des Sceaux de mener une mission de réflexion débouchant sur des préconisation.

Ce rapport est disponible depuis mars 2011 et il apparait en bonne place sur les sites des associations d'experts.

Statut professionnel, identité professionnelle.

Le décret du 12 mars 2009 institue un statut de l’enquêteur social comparable dans sa forme à celui des experts judicaires. S’il s’agit d’un succès pour les organisations qui ont collaboré à sa rédaction, une imprécision demeure quant au niveau de qualification exigé dans le document final.
S’agissant de la qualification requise, le second alinéa de l’article 2 comprend cette formule : Exercer ou avoir exercé pendant un temps suffisant une profession ou une activité, notamment dans le domaine social ou psychologique, en relation avec l’objet des enquêtes sociales
Cette formulation exprime en creux l’absence de diplôme d’état pour la mission d’enquête sociale alors qu’une qualification précise est exigée pour l’ensemble des autres domaines de l’expertise judiciaire civile ou pénale. Cependant, elle se situe dans la logique de l’évolution de la forme et du contenu de l’enquête sociale depuis vingt-cinq ans. A la description quasi photographique et moralisante des enquêteurs sociaux des années soixante-dix, recrutés parmi les retraités des effectifs policiers ou de la gendarmerie, s’est substitué une analyse de la dynamique familiale et du projet parental. Cette mutation qui bénéficie d’abord aux justiciables a été possible par l’arrivée d’enquêteurs dont la majorité des formations se situe dans le champ des sciences sociales avec comme sanction un diplôme d’Etat dont le référentiel est national. De la même manière, les sciences sociales sont devenues un outil indispensable à la formation des magistrats.

Contrôle de la scolarité des enfants naturels ou légitimes par leurs parents

Circulaire n° 94-149 du 13 avril 1994
(Éducation nationale : Justice)
Texte adressé aux recteurs d'académie, aux inspecteurs d'académie, aux chefs d'établissement et aux directeurs d'école.
Les relations que doit entretenir le chef d'établissement avec les parents naturels, séparés ou divorcés, au cours de la scolarité de leur enfant, ont fait l'objet de la circulaire n° 89-261 du 4 août 1989, prise en application de la loi n° 87-570 du 22 juillet 1987 relative à l'exercice de l'autorité parentale.
La loi n° 93-22 du 8 janvier 1993 modifiant le Code civil relative à l'état civil, à la famille et aux droits de l'enfant et instituant le juge aux affaires familiales étend le domaine de l'exercice conjoint de l'autorité parentale en l'accordant de droit aux parents divorcés et, sous conditions, aux parents naturels.

Transmission des résultats scolaires aux familles

Lettre de Ségolène ROYAL du 13-10-1999
Texte adressé aux recteurs d'académie ; aux inspecteurs d'académie, directeurs des services départementaux de l'éducation nationale
Mon attention a été appelée sur le fait qu'un certain nombre de parents séparés ou divorcés rencontraient des difficultés pour obtenir communication des résultats scolaires de leurs enfants, lorsque celui-ci réside chez l'autre parent.
Or, les parents ont, tous les deux, le droit de connaître les résultats scolaires de leurs enfants. En effet, depuis l'intervention de la loi du 8 janvier 1993 qui a modifié plusieurs articles du Code civil, l'exercice en commun de l'autorité parentale, qui rend chaque parent également responsable de la vie de l'enfant, est devenu la situation la plus courante. En outre, même dans le cas où l'un des parents exerce seul l'autorité parentale, l'autre parent dispose du droit de surveiller l'éducation de son enfant ; à cet effet, il doit donc également obtenir communication de ses résultats scolaires.

Qu'est-ce que l'UNES?

Cette association a pour but :
-         de faire reconnaître la qualification et la valeur du travail des enquêteurs sociaux sur la base du référentiel de diligences du 13 janvier 2011.
-       de défendre l’enquête sociale comme moyen d’investigation du Juge notamment dans le cadre de la protection  de l’enfant ou du majeur incapable. 
Elle se donne les moyens :
-    d’organiser et proposer des offres de formation afin de pourvoir à la continuité de la formation de ses adhérents.
-          de participer à la création d’un diplôme universitaire d’enquêteur social.
-          d’informer ses adhérents des évolutions réglementaires.
Elle est financièrement indépendante du Ministère de la Justice duquel elle ne reçoit ni ne recevra aucune subvention pour garantir une parole libre à ses dirigeants comme à ses adhérents.
 

Réactions au décret du 13 janvier - Cour d'Appel de Caen

Les référents juges aux affaires familiales et les enquêteurs sociaux du ressort de la cour d’appel ont été réunis pour la première fois à Caen.
Le 9 mai 2011 s'est tenue une réunion de travail sous la présidence de Jean-Paul ROUGHOL premier président et Christian JAILLET président de la chambre de la famille, qui avait plusieurs objectifs :
- la rencontre avec les enquêteurs sociaux qui avaient manifesté leur sentiment d'isolement et leurs inquiétudes concernant la mission redéfinie de l'enquête sociale et sa tarification forfaitaire.

Jean-François VILLETTE, conseiller chargé du service des experts et des enquêteurs sociaux, a analysé les arrêtés et décret du 13 janvier 2011 qui sont venus, à la suite du décret du 12 mars 2009, mieux encadrer la matière. Il a souligné l'intérêt qu'auraient les enquêteurs sociaux à se regrouper pour partager et faire valoir leurs intérêts. En effet l'enquêteur social dispose désormais d'un véritable statut ; cette reconnaissance s'accompagne d'obligations déontologiques.

Question écrite à l'Assemblée Nationale

 Le décret du 13 janvier forfaitisant les frais de déplacement a fait l'objet de deux questions écrites au gouvernement par l'intermédiaire de MM les députés GOUA et CHARASSE

Question publiée au JO le : 12/04/2011 page : 3554
Réponse publiée au JO le : 26/07/2011 page : 8178

Texte de la question


M. Marc Goua attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur la situation des enquêteurs sociaux et plus particulièrement sur leur rémunération et leur forfait déplacement. Le décret 2009-285 du 12 mars 2009 relatif aux enquêteurs sociaux et à la tarification des enquêtes sociales en matière civile a instauré les modalités de recrutement en créant une liste d'enquêteurs sociaux par cour d'appel sur le modèle de la liste des experts judiciaires inscrits sous certaines conditions. Le montant de l'enquête a alors été fixé à 500 euros alors que le référentiel des diligences à accomplir montre l'ampleur de la tâche (entretien avec chacun des parents, chacun des enfants dans leur milieu de vie respectif, contacts avec les enseignants, les médecins, les référents des centres de PMI, les grands-parents). La réalisation d'une enquête sociale n'est aucunement un simple recueil d'informations mais bien une analyse complète de la situation familiale, analyse qui permettra au magistrat de prendre une décision éclairée et ce dans l'intérêt supérieur de l'enfant. Par souci d'économies, la chancellerie a pu évaluer un temps moyen de vingt-cinq heures par enquête (temps de déplacement compris) mais la réalité est tout autre.

Vous allez faire l'objet d'une enquête sociale

Qu’est-ce qu’une enquête sociale ?

Il s’agit d’une mesure confiée par un ou une Juge aux Affaires Familiales à un enquêteur social afin de faire connaître les conditions de vie d’un enfant auprès de chacun de ses parents, dans le contexte de familles « éclatées » et de parents en opposition quant aux décisions à prendre à son sujet. Le magistrat ordonne cette enquête lorsqu’il estime manquer d’éléments d’informations dans telle ou telle situation. Cela sert à l’éclairer dans des conjonctures qui sont souvent complexes et ambiguës.

LE BUDGET DE LA JUSTICE ET SES EFFETS SUR LA JUSTICE FAMILIALE

Rappelons d’abord qu’avec 2 divorces pour 3 mariages en région parisienne et 1 divorce pour 2 mariages dans le reste du pays, la justice familiale demeure la plus fréquentée par le justiciable moyen, c’est à dire celui qui n’a jamais commis de délit.
Sa fonction de protection des mineurs dans le règlement des contentieux familiaux entraine des effets à moyen et long terme sur la société dans la mesure où c’est le JAF qui décide du lieu de résidence des enfants et d’obligation éventuelle de suivi éducatif ou socio-judiciaire le cas échéant.
Lorsque le contentieux familial ne peut être réglé à l’audience, le juge dispose de moyens d’investigation comme l’enquête sociale, l’expertise médico-psychologique, l’expertise psychiatrique et très récemment l’audition d’enfant.
A la différence des autres experts, l’enquêteur social se rend au domicile des parties avant de remettre son mémoire au magistrat demandeur.

L'enquête sociale dans le dispositif judiciaire

L’utilisation de l’enquête sociale dans le dispositif judiciaire a considérablement évolué. Le rapport informatif rédigé par des retraités des services de police et donnant une photographie statique d’une situation familiale a laissé la place à un document enrichi permettant au juge d’asseoir sa décision sur une analyse fine des enjeux potentiels et l’invitant le cas échéant à solliciter des services de guidance parentale pour étayer une relation parentale mal établie

La nature des enquêtes confiées révèlent une complexité croissante des situations familiales dans lesquelles plusieurs problématiques s’entrecroisent. Elles témoignent des bouleversements à l’œuvre dans une société appelée à se construire de nouveaux repères tant dans la parentalité que dans le dialogue avec son prochain.  Les handicaps sociaux, l’alcoolisme, la précarité sont omniprésents, symptômes d’une société aux hiérarchies bousculées qui blesse ses éléments les plus faibles. Evaluer l’intérêt de l’enfant, faire respecter les décisions de Justice, accompagner les parents dans un dialogue plus fertile, les aider à reconstruire leur autorité parentale, signaler les situations génératrices de danger, sans juger le symptôme ni accabler des familles désorientées, tout cela nécessite une formation adaptée et une approche professionnelle de haut niveau qui doit être appréciée à sa juste valeur.